Trop de vin, trop de graisses, trop de tout… Votre corps crie stop ! Le docteur Jean-Christophe Charrié vous partage ses conseils pour éviter la « crise de foie » post-réveillon !
« J’ai des nausées, la digestion difficile, mal à la tête, le teint pas terrible, la langue chargée, mal au ventre, des sueurs froides, une fatigue qui me cloue au lit, des vertiges, bref, tout un tas de signes polymorphes qui font que je ne me sens pas en bonne santé, et vous me dites que je n’ai rien ? Donc, si je n’ai rien, il n’y a pas de traitement à prendre ? Expliquez-moi docteur. » La « crise de foie » n’est pas une maladie à proprement parler mais dans une version plus latine de la médecine, portée par le médecin physiologiste Claude Bernard, c’est une manifestation fonctionnelle de l’ensemble de l’appareil digestif. Du foie en particulier, liée à une surcharge d’une alimentation trop riche et en trop grande quantité. Certes, il n’y a pas de lésion anatomique ni biologique mais il y a un réel inconfort du patient si bien qu’on ne peut récuser le terme de maladie. Que faire ?
Un régime d’épargne pancréatique
Déjà, on peut essayer de prévenir et composer les menus de façon à les rendre moins agressifs :
– moins d’alcool, directement toxique pour le foie
– moins de graisse cuite qui surcharge le travail hépatique
– moins de produits laitiers qui fatiguent le pancréas
– moins de farine moderne qui enflamme l’intestin
Ces menus peuvent aussi être plus protecteurs
– plus de légumes et de salades pour les fibres fixant les mauvaises graisses
– plus d’huile d’olive crue qui draine le foie et tapisse la muqueuse digestive, limitant l’absorption d’alcool
– plus de fruits cuits, plus digestes
– plus de farine traditionnelle à la meule de pierre qui inflamme moins le tube digestif
On préfèrera un plateau de fruits de mer à une entrée de charcuterie, un poisson luxueux (lotte, sole, saumon sauvage) à une viande luxueuse. Mais à l’heure où vous lisez ces lignes, il sera peut-être trop tard. Alors voici quelques conseils pour sortir de votre « crise de foie ».
Commencez par enlever et privilégiez toutes les classes d’aliments que je viens de citer. Cela consiste à faire un régime d’épargne pancréatique. Le pancréas est une glande importante pour notre métabolisme et l’apport d’énergie dans notre organisme. Le plus souvent, on connait bien son rôle par rapport au diabète puisque c’est la glande qui, par l’intermédiaire de deux hormones, l’insuline et le glucagon, gère le taux de sucre dans le sang. Mais on oublie souvent que le pancréas fabrique également du suc pancréatique, qui est déversé dans l’intestin grêle, juste après l’estomac.
Le suc pancréatique contient des enzymes qui aident à digérer les graisses (lipases), les viandes (amylases), mais aussi du bicarbonate qui permet de réduire l’acidité qui provient de l’estomac, l’acide chlorhydrique. Le pancréas, qui mesure un peu moins de 15 cm et pèse dans les 80 g, produit en temps normal 2 litres de bicarbonate par jour, soit un énorme travail cellulaire n’est-ce pas ? Or plus on vieillit et moins on en produit, plus notre alimentation est riche et plus l’estomac produit d’acide chlorhydrique. Donc plus le pancréas a du mal à suivre le rythme. La meilleure façon de l’aider est de boire une eau riche en bicarbonate ou bien une pointe de couteau de bicarbonate alimentaire (surtout pas celui utilisé pour le ménage, il n’est pas pur) dans un verre d’eau.
Améliorer la digestion
Afin d’optimiser son effet, on boira cette eau bicarbonatée après le repas et surtout pas pendant. En plus de réduire l’acidité, le bicarbonate permet un meilleur fonctionnement des enzymes pancréatiques et hépatiques, et donc une digestion plus performante. En revanche, il faut savoir que ces enzymes sont aussi produites par les glandes salivaires. Il est donc important de prendre le temps de mastiquer et de saliver, surtout quand le repas est riche, pour bien commencer le travail digestif dès la bouche. Alors ne mangez pas trop vite, ne parlez pas la bouche pleine, servez-vous de vos dents et posez votre fourchette entre chaque bouchée. Vous sentirez déjà moins de fatigue lors de la digestion, le ventre sera plus confortable et moins douloureux très rapidement.
Il vous faut aussi prendre soin de votre foie. C’est la plus grosse glande de l’organisme (1,5 kg). Une véritable usine, qui fabrique une multitude d’éléments indispensables au fonctionnement du corps. Il assure également un rôle de stockage et ce qui nous intéresse en cette période, c’est qu’il contribue avec les reins à éliminer les déchets de l’organisme. C’est là encore un énorme travail cellulaire quotidien. Le produit de cette désintoxination est stocké dans la vésicule biliaire sous forme de bile, qui sera déversée dans le duodénum en même temps que le pancréas déversera son suc.
Alors quand vous faites des agapes, votre foie surchauffe, entraine toute une symptomatologie favorisant les migraines, les têtes lourdes, les nausées, les douleurs du flanc droit dignes d’Abraracourcix dans la bande dessinée « Le bouclier averne »… Alors, une mise au vert s’impose. Un jus de citron chaud le matin à jeun sera le bienvenu, une tisane de mélisse ou de camomille ou de romarin soulageront en douceur. Le mieux est de prendre pendant au moins une semaine un litre de décoction d’aubier de tilleul sauvage. Vous pourrez faire également une cure de betterave.
Eviter l’explosion intestinale
Il reste à s’occuper aussi de l’intestin, car toutes ces dysfonctions du foie et du pancréas ne vont pas trop l’aider. Celui-ci devient très inflammatoire. Pour lutter contre cet effet, outre la suppression des farines modernes et des produits laitiers, je vous invite à consommer de l’huile de noisette en plus de l’huile d’olive et à arrêter café et thé afin d’éviter les spasmes. En revanche, la chicorée peut être bienvenue sauf en cas de diarrhée. Et le kéfir de fruit restaurera votre flore.
Il est également préférable de ne pas consommer de fruits crus à la fin de repas où il y a eu protéines. Le fruit cru doit être mangé soit trente minutes avant, soit trois heures après les protéines car il reste une demi-heure dans l’estomac et les protéines trois heures. Aussi, quand ils se retrouvent associés, le tout fermente et s’alcoolise si bien qu’une fois sorti de l’estomac se mélange « explose » dans l’intestin. Il entraine alors spasmes et inflammation douloureuse. Si votre intestin est vraiment trop en vrac, vous pouvez envisager une cure pomme-sardine. Vous voilà bien armé pour commencer l’année !
Par le docteur Jean-Christophe Charrié, médecin généraliste
© Anna Verdina (Karnova) – Flickr