Les vertus du chant postural

Elle reçoit dans un petit studio au fond d’un jardin, à Vincennes. Elisabeth Baïle fait s’installer ses visiteurs venus pratiquer sa méthode sur un siège ergonomique. Les genoux reposent près du sol. Les reins sont creusés. « Je m’attaque à ce qui est tabou : la cambrure, ou le bassin antéversé, pour parvenir à la stabilité du système osseux» annonce la praticienne. La thérapeute a mis au point une pédagogie simultanée de la posture et de la voix. Une méthode originale appelé chant postural, enseignée ici lors de séances individuelles, mais aussi lors de conférences, voire d’ateliers en entreprise. Les amateurs de cours de chant traditionnel peuvent rebrousser chemin ! « Je m’intéresse au diaphragme mais pelvien, pas abdominal. C’est un étage plus bas » prévient-elle. Ici, il n’est pas question de se focaliser sur les résonateurs ou la respiration ventrale. Mais de tâcher de trouver de l’intériorité, en poussant le son vers l’assise solide du bassin. Le chant postural est un outil de développement personnel, qui entend réconcilier le corps et l’esprit. Donner confiance en soi. Libérer les conflits nichés dans l’inconscient.


Elisabeth Baïle, 51 ans, est née dans une famille de musiciens. 
Son père Paul, multi-instrumentiste, a fait carrière dans le jazz et la variété. Mère de deux filles âgées de 18 et 24 ans, elle a dirigé pendant dix ans un choeur de gospel. Elle a beaucoup lu, en particulier les maîtres du bouddhisme zen. Mais aussi le philosophe allemand Karlfried Graf Durkheim, pétri de disciplines orientales. « Une assise juste donne puissance et liberté », estime-t-il. La formatrice est imprégnée de Gestalt, psychothérapie humaniste centrée sur l’interaction de l’être avec son environnement. Déçue par les cours de chant qu’elle a suivi autrefois, elle a conçu ses propres recettes. Le souffle apprivoisé. La présence replacée dans le bassin. La voix propulsée vers l’intérieur et non projetée vers l’extérieur. « La verticalité doit s’installer avec l’accord entier du corps et du mental » a-t-elle écrit dans son livre « Je me libère la voix », publié fin janvier chez Lanore. La préface est signée Nicolas Bounine, qui pratique la thérapie par l’os. Le praticien approuve la technique d’Elisabeth Baïle, apte à « faire trembler nos murailles intérieures », grâce à la vibration de la voix.

Novateur, le chant postural a de quoi déstabiliser. « L’effet est subtil » confirme Béatrice N., qui suit des séances depuis trois ans, à raison de deux par mois à présent. Cadre, elle s’est décidée à essayer le chant postural quand elle s’est mise à stagner, et même à régresser, dans son cours de chant collectif. Rapidement, ses partenaires ont vu la différence : elle chantait plus fort que les autres, sans forcer. « Le chant postural aide à oser. Il faut cambrer son dos, baisser ses épaules, fermer les yeux, déconnecter son cerveau et ne plus penser, pour revenir en soi. Il y a un côté introspectif qui peut déranger. Ceux qui cherchent une approche très rationnelle ne marcheront sans doute pas» dit-elle. Elle apprécie que la pédagogue utilise des images parlantes. Comme celle qui consiste à imaginer que cette descente en soi s’apparente à entrer dans une cave, pour y nettoyer des toiles d’araignée et ouvrir des portes. Quand on y parvient, la voix se fortifie et se fluidifie. Le mucus est évacué. « Je ressors de ces séances éreintées : je sue et je souffre parfois de courbatures pendant deux ou trois jours. Quelque chose au fond de soi s’est dégagé » témoigne-t-elle.

Bien placée, juste, puissante, la vibration de la voix procure d’abord du plaisir sensuel, ce plaisir que notre civilisation judéo-chrétienne écarte comme un interdit. Et c’en est fini des tensions du corps qui se répercutent sur la capacité vocale, du bassin affaissé qui crée des douleurs dans le dos et une pression sur les vertèbres. Dans ses exercices, conçus comme un dialogue chanté, la pédagogue psycho-corporelle aide ses élèves à s’harmoniser, pour peu qu’ils lâchent prise. En quinze ans, Elisabeth Baïle a éprouvé l’efficacité de sa méthode sur une centaine d’élèves, chanteurs débutants, avocats ou autres orateurs. Avec elle, beaucoup de personnes régulièrement aphones ou à la gorge serrée, parce que la voix concentre les somatisations, ont retrouvé dynamisme et puissance vocale. Elle apprend à chacun à devenir « sa propre référence, mais pas pour écraser l’autre ». A maîtriser une communication sereine, la voix délivrée.

Corine Chabaud

Un exercice à tester
S’asseoir sur une chaise en s’efforçant de garder les genoux plus bas que le bassin.
Se cambrer exagérément jusqu’à une position aboutie, inconnue et inconfortable.
Maintenir cette posture sans se dérober et sans se laisser parasiter par la petite voix qui vous dit : « C’est trop cambré ! ».
Fermer les yeux en imaginant pousser un son vers le bas, en prenant le bassin comme cible.
Commencer doucement puis pousser des sons de plus en plus puissants en vérifiant que votre bassin maintient toujours l’antéversion.
Constatez que la voix est en place et que le haut du corps n’est plus surchargé d’émotions non digérées.
Répéter l’exercice. Plus vous le ferez, plus votre bassin sera répondant et votre voix puissante.

 

Dates et lieux où retrouver Elisabeth Baïle.
A Vincennes, les dimanches 4 et 11 février (120 euros la journée), puis le 10 mars.
A Nancy, les 16 et 17 mars.
A la Rochelle, les 24 et 25 mars.
A Bordeaux, du 27 au 29 avril (dédicaces à la librairie Pégase, conférences, séances).
A Bellegarde, le 5 mai.
Au Mans, le 19 mai.
La Rochelle, du 25 au 27 mai.

 

Photo : © Stéphanie Jayet