Michelle Obama : « Mon combat pour la santé des enfants »

À l’occasion de sa visite à Paris et d’une intervention sur scène, l’ancienne première dame est revenue sur l’incroyable parcours qui l’a menée d’un quartier populaire de Chicago à la Maison-Blanche. Confessions d’une femme qui n’a cessé de dépasser ses limites et de combattre au service de la santé des plus démunis.

Encourager la flamme

J’ai grandi dans une famille modeste mais unie, aux valeurs fortes. Mon père, Fraser, atteint de sclérose en plaques, était infirme. Il était employé municipal et a continué jusqu’au bout à se rendre au travail. Lorsque je suis confrontée à des difficultés, je songe à lui qui m’a tellement appris et tout sacrifié pour mon frère et moi. Je me dis « bouge-toi ! » car je ne prends pas le mouvement pour acquis.

C’est sûrement pour cette raison que je me suis investie dans la pratique du sport pour les enfants.
À 4 ans déjà, j’avais un tempérament de feu, et je remercie mes parents d’avoir su encourager cette flamme qui était en moi, de m’avoir aidée à trouver mon équilibre, dans une société qui tente trop souvent de faire taire ses petites filles.

Pas le « bon profil »

J’ai vécu ma première transition majeure lorsque j’ai quitté l’école de mon quartier pour aller dans un bon lycée. Ça n’a pas été facile, surtout lorsque, malgré mes notes excellentes, une conseillère d’orientation m’a annoncé que je n’avais pas le « profil » pour Princeton ! Je ne me souviens plus du visage de cette femme, mais ses mots m’ont beaucoup marquée. Heureusement, grâce à mon caractère, je vais bien aujourd’hui, mais c’est important pour les adultes de comprendre combien ce genre de réflexion peut détruire de jeunes enfants. Ce n’était que le début, car on m’a longtemps sous-estimée.
La couleur de ma peau me rendait vulnérable. Tout était compliqué : être une Noire chez les Blancs comme chez les Afro-Américains.

Prête à rentrer dans la lumière

Lorsque je suis arrivée dans cette prestigieuse université, je me suis retrouvée face à des classes sociales complètement différentes, mais pas seulement chez les Blancs : j’ai découvert la bourgeoisie noire ! Ils avaient de l’argent, appartenaient à des clubs huppés, conduisaient leurs propres voitures… Je me suis dit que j’avais loupé quelque chose ! Cette période a représenté la plus importante phase d’émancipation pour moi. Malgré mon origine sociale et ma couleur, les doutes que l’on m’avait mis en tête, j’ai eu le déclic et je me suis dit que j’étais prête à rentrer dans la lumière. Je me suis accrochée, j’ai compris que je pouvais aller m’asseoir à n’importe quelle table, n’importe où et n’importe quand. Je peux dire aujourd’hui, après avoir fréquenté les tables des plus puissants de ce monde, que nous sommes tous pareils !

Depuis Princeton, j’ai intégré la très prestigieuse faculté de droit de Harvard, puis, directement, l’un des meilleurs cabinets d’avocats de Chicago.
Un jour, un stagiaire est arrivé sous ma supervision, il s’appelait Barack Hussein Obama. Comme j’étais sa tutrice, je n’ai pas pensé une seule seconde qu’il pouvait se passer quelque chose. De plus, j’avais décidé de privilégier ma carrière à ma vie amoureuse. Mais il était très obstiné et très attirant…

Le sens de mon existence

La perte de mon père, suivie par le décès à 26 ans de ma meilleure amie, a provoqué chez moi une véritable crise existentielle. Pour la première fois, je me suis posé la question : « Qu’est-ce que je fais ? Où est ma vie ? Si je devais mourir demain, est-ce que j’aimerais être assise au 47e étage de cette tour dans mon bureau à consulter des documents ? »

Je n’avais jamais pris le temps de penser à ce qui m’intéressait réellement, à mes passions, à ce qui me procurait de la joie, à ce que je voulais faire dans cette vie pour moi mais aussi pour les autres, alors que c’était ce que souhaitait avant tout mon père. Il ne nous a pas élevés pour être médecins et avocats, mais pour être de bonnes personnes. Pour la première fois de ma vie, je ne voulais pas juste réussir mais aussi penser au sens de mon existence. Avec l’expérience, j’ai appris à me connaître, à m’aimer et à avoir davantage confiance en moi, mais c’est un long travail.

Des difficultés pour devenir mère

Notre mariage avec Barack n’a pas toujours été un long fleuve tranquille. Nous nous aimions profondément, mais un nœud que nous étions incapables de démêler s’était formé. J’ai donc suivi une thérapie de couple avec mon mari. Le médecin m’a fait comprendre que c’était d’abord à moi, et non à mon mari, de me rendre heureuse. Fusionner deux vies en une et élever des enfants, c’est dur, et personne ne vous le dit ! Beaucoup de jeunes gens nous regardent comme un couple modèle, mais parfois j’ai eu envie de jeter Barack par la fenêtre !

Parmi les épreuves que nous avons eues à traverser, il y a eu la difficulté à avoir des enfants. Nous avons mis du temps à fonder une famille ! Lorsque j’ai fait ma fausse couche, j’avais l’impression d’avoir échoué. Je suis restée engluée dans ma propre douleur, en pensant que c’était de ma faute. J’ai pris conscience à l’âge de 34 ans de la réalité de l’horloge biologique, et nous avons dû faire appel à la fécondation in vitro. C’est encore un sujet tabou, mais il faut que les jeunes femmes comprennent qu’elles ne sont pas seules. J’étais moi-même découragée et à la fois surprise de découvrir combien de femmes ont traversé cela. Vous avez honte, vous n’osez pas en parler car c’est comme si quelque chose en vous était brisé. La question est aussi : « Qu’est-ce qu’être une femme ? » Ça ne se passe malheureusement pas toujours comme dans les films : nous avons besoin de comprendre qu’il y a plusieurs manières d’apporter la vie au monde – que ce soit de façon biologique, par l’adoption –, de donner de l’amour… Il n’y a aucune limite à ce que nous pouvons accomplir en tant que femmes.

« First Lady », maman en chef

Quand je suis devenue First Lady, je suis devenue maman en chef. Je me disais : si je ne suis pas capable de transmettre des valeurs à mes enfants, comment pourrais-je les transmettre aux autres Américains ? Avec Barack, nous avons voulu que nos filles aient une vie aussi normale que possible. Le matin, on leur disait : « Allez à l’école, vous n’êtes pas le président, on n’a pas besoin de vous ici. » Je savais par ailleurs que j’aurais à gagner la confiance des gens, car je ne rentrais pas dans les stéréotypes traditionnels. Je devais trouver ma voie en premier, car ce que j’ai appris dans la campagne, c’est que si vous ne racontez pas votre propre histoire, d’autres le font pour vous. Je savais qu’être la première famille noire à occuper la Maison-Blanche représentait un symbole important, et qu’il fallait utiliser notre temps judicieusement pour ouvrir la maison à des gens qui, normalement, n’avaient pas accès à cet endroit.

Mon combat pour la santé

Nous voulions accueillir les enfants, organiser de grandes fêtes, mener notre programme contre l’obésité pour une nourriture saine. Cet engagement à améliorer la santé des enfants m’a aussi poussée à créer le programme Let’s Move, car en plus de promouvoir une alimentation équilibrée, je souhaitais sensibiliser à la pratique du sport régulier. En 2009, j’ai même décidé de créer un potager à la Maison-Blanche avec entre autres des carottes, patates douces, cacahuètes et tomates ! La réforme de l’assurance santé que mon mari a mise en place en rendant obligatoire pour tous la couverture santé, tout en encadrant les pratiques des assureurs, me tient, à cet égard, particulièrement à cœur ! Je ne me présenterai pas à la présidence, car les sacrifices concernant la vie de famille sont réels et je ne demanderai jamais à mes filles de revivre ça.

Je veux laisser la place aux nouvelles générations. À tous les jeunes qui pensent ne pas trouver leur place dans ce monde, sachez que c’est le meilleur moyen pour que les gens qui ont le pouvoir le gardent. N’ayez pas peur d’échouer. C’est la seule manière de réussir ! Le succès ne se mesure pas à la quantité d’argent que vous gagnez, mais à l’impact que vous avez sur la vie des gens. Notre but avec mon mari, c’est d’identifier, d’encourager, de former les nouveaux Michelle et Barack Obama !

Propos recueillis par Aurélie Godefroy

 

Le programme Let’s Move

Depuis la mise en place du programme par Michelle Obama lorsqu’elle était à la Maison-Blanche, les chiffres de l’obésité infantile ont cessé d’augmenter et ont même régressé chez les plus jeunes.
Les fast-foods intègrent désormais dans leurs menus des fruits frais et des salades. Quant à l’industrie agroalimentaire, elle a compris la nécessité de promouvoir la consommation de fruits, légumes et d’eau plutôt que de soda, un moyen de protéger les enfants de la malbouffe à l’école.

 

© DOUG MILLS/THE NEW YORK TIMES-REDUX/REA