Puberté, maternité, ménopause…ces étapes clés nécessitent des adaptations dans la pratique du yoga pour que les postures restent bénéfiques.
Rencontre avec Bernadette de Gasquet, médecin et professeure de yoga, spécialiste du périnée.
Vous avez initié, il y a quarante ans, le yoga prénatal, et, en créant la méthode « bien-être et maternité », aménagé la pratique pour accompagner les femmes enceintes. D’où venait cette intuition ?
Pratiquant le yoga depuis 1966 avec les élèves de Van Lysebeth, qui était un des précurseurs du yoga en Occident, il m’apparaissait nécessaire, déjà, d’adapter l’enseignement aux Occidentaux que nous sommes ! Particulièrement interpellée aussi par notre façon d’aborder la naissance, après deux premiers accouchements tout à fait contraires à ce que le milieu médical hospitalier préconisait – j’ai accouché toute seule, sur le côté, rapidement, sans faire le petit chien et surtout sans pousser –, j’ai eu envie de travailler aux côtés de médecins et de sages-femmes pour proposer une autre manière de préparer à la naissance. Mon approche se voulait très pragmatique. En décidant de réaliser à 38 ans – mère de trois enfants – des études de médecine qui se sont achevées par une thèse sur le périnée, j’ai pu étayer à partir de toutes les connaissances scientifiques, approfondir et légitimer ce que je proposais.
En quoi consiste cette approche ?
C’est à partir des petits problèmes mécaniques normaux qui surviennent dans la quasi-totalité des grossesses – mal de dos, reflux, contraction, digestion, circulation sanguine –, et qui ne trouvaient aucune réponse médicale, que j’ai aménagé la pratique. Mon approche n’englobe en fait qu’une partie du yoga : les postures simples et personnalisées selon les besoins de chaque femme, sa morphologie, la position de son bébé et la respiration. Il n’y a pas de méditation. Ce qui m’intéresse, c’est la dimension biomécanique, avec une seule finalité : celle du bien-être.
De la maternité à la maturité, votre méthode s’adresse aujourd’hui à tous les âges de la vie d’une femme. Quel est votre fil conducteur ?
Le point commun, c’est le périnée, sur lequel j’ai commencé à travailler dès ma thèse de médecine, dont les problèmes sont beaucoup plus féminins que masculins, notamment lors de la maternité et de la ménopause. Après avoir travaillé sur l’incontinence due à la grossesse, je suis passée à l’observation des autres causes et pressions (la constipation, les abdominaux, le sport, le mal de dos qui va avec) susceptibles d’avoir un impact sur la zone périnéale tout au long de la vie – puberté, maternité, ménopause. Ces étapes clés, qui jouent pleinement sur le corps et les fonctions internes, appellent des adaptations pour que les postures restent bénéfiques. À la puberté et à la ménopause par exemple, où se manifestent souvent des douleurs articulaires congestives (genou, hanche, coude) sans qu’il y ait de pathologie, et où revient une fatigue liée aux gros changements à assumer (modification de la silhouette, etc.), le travail va consister à protéger les articulations en mettant des accessoires – petits ballons, coussins – qui évitent de plier directement les articulations et permettent plutôt d’étirer, d’allonger et de muscler tout autour.
D’après votre expérience, l’apport du yoga vous semble-t-il plus bénéfique pour les femmes ?
Il ouvre de fait à une perception et à une connaissance plus intimes, plus intérieures de ce qui nous fait du bien, nous aide à bien respirer et à bien vivre, à chaque moment de la vie et du cycle : on agit sur la circulation, le transit, la vascularisation des glandes surrénales, le drainage du plancher pelvien, le calme, la détente, y compris du petit bassin… Ce type de pratiques correspond certainement davantage aussi à la mentalité des femmes, en quête d’un bien-être en profondeur, en nuance et sur le long terme, plus que d’une performance musculaire comme le visent souvent les hommes, moins sujets, il faut le dire aussi, aux douleurs articulaires. Même si aujourd’hui, une tendance assez nouvelle se développe : nombre de jeunes femmes veulent aussi courir, faire de la musculation, du plus « hard », du plus acrobatique. Le best-seller des ventes en matière de musculation aujourd’hui sur Amazon, c’est celui pour les femmes ! Au risque de s’abîmer…
Propos recueillis par Aurélie Sobocinski
Pour en savoir plus, retrouvez le dossier « Le yoga au féminin » dans le numéro 5 de Sens & santé, actuellement en kiosque.