Anxiolytique, antidépresseur, anti-inflammatoire… Une étude vient de confirmer l’impact positif du jeûne sur la santé. Rencontre avec Françoise Wilhelmi de Toledo qui suit des jeûneurs depuis près de 30 ans.
Commune à toutes les grandes traditions spirituelles, la pratique du jeûne est particulièrement recommandée à certaines périodes clés de l’année comme la sortie de l’hiver et la détoxination de printemps. Une étude scientifique récente confirme son impact positif pour la santé. Le Dr Wilhelmi de Toledo s’en explique.
Vous avez dirigé une étude scientifique avec le Dr Andreas Michalsen, professeur à l’hôpital universitaire de la Charité à Berlin sur les effets du jeûne. Quelles en sont les conclusions ?
Françoise Wilhelmi de Toledo. Déjà, elle a permis de documenter la sûreté de ce jeûne avec suivi médical. Il a en effet montré peu d’effets secondaires indésirables : dans des cas isolés, un sommeil agité, des maux de tête, de la fatigue ou des douleurs lombaires, survenus surtout les trois premiers jours et traités facilement. C’est peu de chose en regard de tout le bien-être physique et émotionnel que le jeûne engendre. Pourquoi ? Parce qu’il entraîne un changement métabolique en mobilisant l’énergie stockée dans les tissus adipeux du corps humain.
Le métabolisme passe dès lors de la consommation de glucose à celle des graisses et des cétones. Ce changement a été attesté dans l’étude par la présence permanente de corps cétoniques dans les urines.
Ces derniers, synthétisés par le foie à partir des graisses, peuvent contribuer jusqu’à 60 % des besoins énergétiques du cerveau. Ce carburant alternatif maintient donc la fonction cérébrale tout en épargnant les protéines et donc les muscles. Et il induit quantité d’effets bénéfiques.
Lesquels, par exemple ?
F. W. de T. Le jeûne a une répercussion très positive sur les maladies métaboliques. Il a normalisé la tension artérielle des jeûneurs et amélioré les paramètres du diabète, tels que la glycémie et le HbA1c, améliorant ainsi de nombreux facteurs contribuant à la santé cardiovasculaire. Dans 84 % des cas, il a amélioré l’état de personnes souffrant d’autres maladies graves, telles la stéatose et l’hypercholestérolémie. Il a aussi considérablement réduit leur fatigue. Le jeûne peut aussi corriger l’obésité s’il est effectué à espaces réguliers et sous contrôle. Précision utile : 93 % des sujets étudiés n’ont pas eu faim pendant le jeûne.
Quel est son impact sur les maladies inflammatoires ?
F. W. de T. L’arthrite et la polyarthrite, les allergies, l’asthme ou les maladies digestives telles que les colites ou les gastrites évoluent positivement, parfois même elles sont guéries définitivement. Les substances en excès comme les graisses sanguines, le sucre, l’acide urique, certaines structures et protéines pathologiques sont, de fait, brûlées dans le feu métabolique nouveau que provoque le passage du corps en mode « autodigestion » ou « autophagie », et par la production concomitante d’hormones telles que le glucagon ou l’hormone de croissance STH, ainsi que la baisse de l’insuline. D’autres substances en excès peuvent aussi être éliminées par la stimulation des fonctions rénales, intestinales et respiratoires.
Sur le plan psychique, que se passe-t-il ?
F. W. de T. Mark Mattson, un neuroscientifique qui a étudié le vieillissement du cerveau, considère le jeûne comme une arme pour prévenir la maladie d’Alzheimer, la démence et la perte de mémoire. Le jeûne induit en effet, au même titre que le sport, la production de BDNF (brain-derived neurotrophic factor). Ces protéines ont un double effet : elles augmentent le nombre de mitochondries, génératrices d’énergie de notre corps, dans les cellules nerveuses et produisent de nouveaux neurones dans l’hippocampe. Elles participent aussi à l’amélioration de l’humeur. La production de BDNF s’accompagne, par ailleurs, du renforcement de la sérotonine, appelée « hormone du bonheur ».
Iriez-vous jusqu’à dire que le jeûne a des effets anxiolytiques et antidépresseurs ?
F. W. de T. Certainement. Lorsque des douleurs articulaires ou des problèmes de peau diminuent spontanément en peu de temps, ou quand une hypertension se normalise, la personne ressent un espoir nouveau en découvrant ses propres forces de guérison, et même un sentiment d’euphorie. Le jeûne est aussi une occasion privilégiée d’interrompre des comportements addictifs (excès d’alcool, de tabac, de café, suralimentation, etc.) ou de baisser son stress en prenant du recul. Le sentiment de liberté intérieure qu’on
éprouve alors ne peut qu’aider les individus à retrouver l’harmonie. Enfin, au cours d’un jeûne, les organes digestifs étant mis au repos, la flore intestinale tend à se normaliser car les bactéries pathologiques ne reçoivent plus de nourriture. Ce milieu intestinal et son microbiote, appelé aussi « deuxième cerveau », envoie alors des informations rassurantes au système nerveux central. D’où une sensation de plus grand
apaisement et une propension accrue à porter un regard positif sur la vie.
Selon le Dr Otto Buchinger, « pendant le jeûne, le corps va bien, c’est l’âme qui a faim »…
F. W. de T. Ce médecin a compris que le jeûne permet une dématérialisation propice à ressentir le besoin d’une expérience intérieure. Aux nourritures matérielles, il convient donc de substituer les nourritures spirituelles que nous offrent la prière, la méditation silencieuse, la lecture de textes sacrés ou de poésie, une promenade en forêt, la musique, etc. Tout ce qui nous aide à faire silence, à prendre du recul avec notre vécu ordinaire est bienvenu. Mais aussi tout ce qui nous rapproche des autres, nous rend solidaire
d’eux. De fait, les grandes traditions spirituelles ont toujours associé le jeûne, la prière et les gestes – petits ou grands – que l’on fait pour aider ceux qui sont dans la difficulté.
Interview Jean-Claude Noyé
Françoise Wilhelmi de Toledo, médecin et directrice des cliniques Buchinger Wilhelmi à Überlingen (Allemagne) et à Marbella (Espagne). Elle supervise des cures de jeûne depuis 35 ans. Elle est l’auteure de L’art de jeûner (éd. Jouvence), pour découvrir le jeûne selon la méthode Buchinger.
Où jeûner ?
Le Dr Otto Buchinger a conçu dans les années 30 la méthode de jeûne éponyme. La prise quotidienne de jus de fruit et de soupes biologique représentant entre 200 et 250 calories par jour. Ce programme se décline en trois dimensions : il est accompagné médicalement, propose une activité physique et de nombreux soins et thérapies pour le développement de la personnalité et l’amélioration du style de vie. Dans un environnement propice au calme et au retour sur soi-même, il privilégie la dynamique de groupe. Et des soins et propositions pour le développement de la personnalité.
En Allemagne, à Überlingen, et en Espagne, à Marbella, on peut s’y initier dans les cliniques de jeûne et de médecine intégrative Buchinger Wilhelmi. Plus de renseignements sur le site :
www.buchinger-wilhelmi.com
En France, on ne trouve pas de centres médicalisés mais des centres dits de confort où l’on peut pratiquer le jeûne hydrique à des fins plus préventives que thérapeutiques. On choisira de préférence un lieu affilié soit au réseau «Jeûne et bien-être». Site : www.jeune-bienetre.fr
Soit au réseau «Jeûne et randonnée ». Site : www.ffjr.com
Autre possibilité : avec Giesbert Bölling, introducteur en France du concept «jeûne et randonnée» .
Site : www.jeune-et-randonnee.com
Un colloque scientifique sur le jeûne
L’Association Médicale Jeûne et Nutrition organise en Allemagne, à Überlingen, les 29 et 30 juin, un colloque intitulé : «Le jeûne, commutation métabolique vitale (Fasting : the switch of life) ou le changement de vie». Animées par des chercheurs internationaux, dont le Pr Mark Mattson, professeur en neuro-sciences à la faculté de médecine de Baltimore (USA), les conférences porteront sur les indications et contre-indications du jeûne, sur les mécanismes biologiques et génétiques qui lui sont liés ainsi que sur sa dimension spirituelle. Les interventions seront traduites simultanément en français, anglais et allemand.
Renseignements et inscription auprès de Sara Loda par mail : sara.loda@buchinger-wilhelmi.com
ou au téléphone : 00 49 7551 807 827.